Publié le : 26 août 20216 mins de lecture

Miroir, miroir, dis-moi qui est la plus belle ? Cette réplique de Blanche-Neige, toutes les filles (et quelques garçons !) la posent un jour ou l’autre à leur reflet, avec comme réponse quasi inévitable : ben…pas moi ! Le magazine Philosophie du mois de juin, dans son dossier spécial, pose une autre question : « Qu’est ce qu’être beau ? ». Depuis la seconde moitié du XXème siècle, le physique a pris une place prépondérante dans nos interactions sociales, professionnelles, et amoureuses. Comment en sommes nous arrivés à ce nombrilisme superficiel et tyrannique, et qu’est-ce que la beauté à l’heure du tout photoshopé, où les icônes de papier glacé remplacent celles des temples ?

Libération, aliénation

Pour de nombreux historiens, le début du ‘culte du corps’ se situe dans les années 1960. La fin de cette décennie riche en changements sociaux, culturels et politiques à travers le monde voit décliner les grandes idéologies, au profit de l’individualisme roi. L’augmentation du ‘temps pour soi’, et le matraquage des nouveaux critères de beauté par le cinéma ou la publicité font du modelage du corps une priorité. Désormais, il faut être mince. Diététique et gymnastique deviennent les maîtres mots d’une industrie de la beauté déjà florissante.

Cette tendance se poursuit dans les années 70, puis la décade suivante, c’est le muscle obtenu dans la souffrance qui est de rigueur. Associé à la notion de forme et de santé, il fait partie de l’attirail de la working girl au même titre que les épaulettes et la permanente qui font d’elle une femme forte et indépendante. Mais dès le milieu des années 80, la hype sadique des biscotos décline. Les golden boys ont fait faillite, le chômage guette, c’est le retour des valeurs solidaires et familiales.

N’empêche que désormais, « l’idée d’un corps susceptible de transformation sans fin 1» est bien ancrée dans les esprits, où elle perdure jusqu’à maintenant. Même si les modèles connaissent des variations (la garçonne des années 20, les plantureuses pin-up des fifties, les incroyables hybrides d’aujourd’hui) une norme unique est toujours imposée, loin de la diversité réelle. Le corps est aussi devenu esclave de notre société qui exige performance, discipline, productivité et compétition. On déclare la guerre aux rides, aux bourrelets, et aux poils et on remplit les poches des industries de la beauté pour atteindre un idéal qu’elles nous ont inculqué…

Souffrance, amour ou oubli de soi ?

Philosophie a invité de nombreux penseurs à réfléchir et s’exprimer autour de la question « Qu’est-ce qu’être beau ? ». Trois hypothèses sont développées.

La première associe la beauté avec la douleur. Pour atteindre des canons presque impossibles, il ne s’agirait que de volonté, celle de s’affamer, de trimer des heures durant sur des machines ou d’endurer anesthésie générale, bleus et cicatrices. A ceci, on peut ajouter une autre souffrance, psychologique cette fois, qui amène à ces recours extrêmes. Un sentiment généralisé d’inadéquation, qui touche désormais les hommes comme les femmes, même si ces dernières subissent plus encore la pression du regard des autres, de leur propre regard aussi.

Seconde voie de réflexion : l’amour rendrait beau. Dans cette approche, la beauté n’est plus simple plastique, puisqu’on voit dans l’amant, l’enfant ou la mère bien plus que son enveloppe corporelle. Notre vision englobe alors les idées et souvenirs que l’on partage, les projets en commun, la personnalité que l’on connaît derrière le visage et le corps. Il est vrai qu’on dit souvent que la personne aimée et qui aime est rayonnante. D’un point de vue plus prosaïque, c’est aussi parce qu’être aimé, c’est être « validé », ce qui permet d’avoir plus confiance en soi. Alors, les épaules droites et la tête relevée, on a tout de suite plus de prestance.

Le dernier postulat c’est que pour être beau, il faut s’oublier. Le plus beau des éphèbes serait à la merci de ce travers humain : la conscience de soi. S’appuyant sur les pensées des romantiques, mais aussi sur de nombreuses philosophies orientales, l’auteur explique ici qu’il faut accéder à la spontanéité. Paradoxalement, ce serait en s’entraînant et en se connaissant, que l’on pourrait oublier de penser à ce que l’on est pour se contenter d’être, gracieusement. « Un corps mal bâti peut devenir beau lorsqu’il danse, un visage difforme peut-être transfiguré quand il sourit. 2»

Quelques faits à méditer pour relativiser…

Selon des statistiques récentes, 85 % des jeunes filles n’aiment pas leur apparence…
Si Barbie, symbole de la bimbo, était une vraie femme d’1m77, ses mensurations seraient 85-46-73 et elle devrait marcher à quatre pattes car elle ne tiendrait pas debout.
La femme moyenne pèse 66 kilos.
Il y a vingt ans, les mannequins pesaient 8 kilos de moins que la femme moyenne. Aujourd’hui elles pèsent 23 kilos de moins.
Dove, une marque qui veut briser la loi de la beauté unique avec le Fonds pour l’estime de soi et cette vidéo: