Le 2 septembre dernier avait lieu une conférence sur l’histoire des jeux vidéos. L’amphithéâtre était bien fourni en geeks et geekettes de tous âges. Les deux intervenants, Daniel Ichbiah (auteur de la Saga des Jeux Vidéo) et Florent Gorges (auteur de L’Histoire de Nintendo), ont une heure et demi pour présenter l’histoire des jeux vidéo, du très old-school Pong jusqu’aux technologies surréalistes qui s’ébauchent à l’heure actuelle.

Mario l’anti-héros

Donc Pong d’abord, le jeu plus que basique qui consiste en deux barres verticales blanches qui glissent de chaque côté de l’écran noir pour rattraper une balle qui va de gauche à droite. Un jeu de tennis stylisé. Atari, entreprise américaine fondée par Nolan Bushnell et Ted Dabney, commercialise ce jeu d’arcade. Le succès est immédiat. C’est un peu comme si en 1972, la jeunesse n’attendait que ce nouvel univers pour s’amuser. Pourtant, selon la formule de Nolan Bushnell, Atari n’a pas inventé le jeu vidéo, il l’a commercialisé. En effet, dès les années 50 des ingénieurs, chercheurs ou universitaires ont l’idée de jeux sur les ordinateurs de l’époque (OXO, un jeu de morpion, ou Tennis for two, sorte de proto-pong, sont deux exemples dont l’Histoire gardera une trace). Depuis, l’industrie du jeu vidéo dépasse celle du cinéma en termes économiques, mais son histoire, ses créateurs sont peu connus hors du cercle des aficionados. Bien sûr, tout le monde connaît Nintendo. Mais qui sait que cette entreprise nippone existe depuis 1889 ?? Elle distribuait à l’origine des cartes à jouer japonaises (hanafuda). A partir des années 1970, Nintendo se diversifie dans les jeux d’arcade, puis les Game & watch, jeux électroniques qui tiennent dans la main. Donkey Kong est l’un de ces jeux, qui deviendra Super Mario Bros. Mario, plombier bedonnant, anti-héros par excellence, s’imposera d’ailleurs comme mascotte de Nintendo, qui n’en cherchait pas vraiment.

Krach

Le monde des jeux vidéo se divise en plusieurs catégories, en fonction du support utilisé : bornes d’arcade, micro et consoles. Nintendo et Atari se partagent le marché des bornes d’arcades et attisent les appétits. En 1976 Warner Communications rachète Atari. De nombreux acteurs cherchent à tirer parti de ce qui apparaît comme un eldorado et les jeux vidéo se banalisent. On les trouve jusque dans les paquets de céréales. Les éditeurs logiciels et les fabricants de matériel (consoles, bornes…) ne voient pas venir la lassitude du public et en 1983, c’est le krach. Atari en sera la principale victime, la crise touchant plus durement le marché américain. Au Japon, à la même période, Nintendo apprend des erreurs de son concurrent et sort la Family Computer, ou Famicom, commercialisée aux États-Unis et en Europe sous le nom de NES, Nintendo Entertainement System. Une des tactiques commerciales de Nintendo sera de bien différencier jeux d’arcade et jeux sur console. Sega, société fondée au Japon par un américain, tente de concurrencer Nintendo, mais ne réussira à prendre de l’envergure qu’en Europe. Pour les japonais, Sega ne représente qu’un dixième du marché et est synonyme de hardgamers (personnes pour qui le jeu, c’est du sérieux).

Tetris made in URSS

L’histoire des jeux vidéo fourmille d’anecdotes à propos de leurs créateurs, qui montrent à quel point ces démiurges souvent brillants sont maintenus dans l’ombre par les sociétés d’édition de jeux. Une des raisons seraient que lesdites sociétés ont peur de se faire voler leurs créatifs par la concurrence. Dans le cas d’Alexei Pajitnov, c’est plutôt le contexte de la Guerre Froide qui empêchera ce chercheur soviétique de récolter les gains de sa création. En 1984, il crée Tetris, mais l’Union Soviétique n’est pas un terrain propice au système de licence. Par le biais de différents intermédiaires, Pajitnov accorde les droits d’exploitation du jeu par un simple fax à un anglais né en Hongrie, Robert Stein. Le jeu se diffuse largement dans le monde entier, c’est un énorme succès, mais Pajitnov ne touchera pas un rouble sur les ventes. Cependant, Stein trouvera plus malin que lui : Nintendo cherche à récupérer les droits et utilisera un moyen détourné. Il demande à Stein d’ajouter un addendum sur le contrat lui octroyant les droits de Tetris : il s’agit de définir ce qu’est un ordinateur. Selon l’addendum, un ordinateur possède un écran, un clavier et une unité centrale. Stein accepte : Nintendo peut alors installer, sans payer la moindre royalty, Tetris sur son nouveau produit, la Game Boy (pas de clavier, pas vraiment d’unité centrale !). En 40 ans, le jeu vidéo aura révolutionné le monde ludique et contribué à améliorer notre perception du virtuel. De nombreuses innovations ont permis de passer de Pong aux MMORPG, aux jeux sans manette, en immersion de plus en plus prononcée…

Quel futur ?

A la question d’une personne du public souhaitant connaître l’opinion de Daniel Ichbiah et de Florent Gorges quant au futur des jeux vidéo, Daniel Ichbiah parle des robots polymorphes à l’étude dans les laboratoires des chercheurs. Ces robots pourraient remplacer l’écran et se transformer en toute sorte d’objets interagissant avec le joueur. Mais pourra-t-on encore parler de jeu vidéo? La réalité augmentée aura également un rôle à jouer avec les objets virtuels qu’elle immisce entre le joueur et l’écran. Florent Gorges parle du seuil atteint par la technique : la qualité des images ne peut plus vraiment être améliorée, ou alors uniquement à la marge. La nouveauté viendra donc des interfaces. La première interface était le pistolet qui permettait au joueur de NES de tirer directement sur l’écran (mémorable Duck Hunt!). Ses successeurs ont été nombreux, du joystick à la manette. A l’heure actuelle on pense à la Wiimote, mais Microsoft envisage de sortir une console sans aucune manette, Natal…Le jeu vidéo n’a pas fini nous divertir !