Depuis février 2010, la transidentité1 ou « transsexualisme » (ou encore dysphorie de genre) a officiellement été retirée de la liste des affections psychiatriques de longue durée. Mais la « dépsychiatrisation » annoncée par le ministère de la Santé n’a pas vraiment eu lieu, puisqu’un diagnostic et un suivi très longs sont toujours imposés aux trans’. De la souffrance initiale d’être né(e) dans le mauvais corps au long parcours de mise en adéquation de ce corps avec sa personne, il y a aussi les humiliations, les violences physiques et psychologiques, l’incompréhension et le jugement dans les regards.

Transidentité

Même au 21ème siècle, certains préjugés ont la peau dure. Et quel sujet plus apte à réveiller les clichés que celui des transsexuels ? Par exemple, les amalgames entre transsexuel(le)s, homosexuel(le)s et travesti(e)s sont monnaie courante. Pourtant, la transidentité n’a rien à voir avec l’orientation sexuelle. Un homme devenu femme (ou femme née homme), se considèrera hétérosexuelle si elle est attirée par les hommes ou lesbienne si elle est attirée par les femmes. Quant au travestissement, il relève plus souvent du fantasme que de la volonté de changer de sexe. Autre préconception, on pense presque exclusivement aux MtF (Male to Female) ou femmes nées hommes, et rarement à l’inverse, ces hommes emprisonnés dans des formes féminines. En fait, il existe autant d’identités transgenres que de personnes, avec des choix de parcours et de mots très variés. Que ce soient les MtF ou les FtM (Female to Male), certains choisissent de ne prendre que des hormones, alors que d’autres décident de se faire opérer. Et même parmi celles et ceux qui passent sur le billard, la chirurgie de réattribution sexuelle complète n’est pas systématique. D’autant que, pour les FtM, les opérations ne sont pas encore très perfectionnées, et la peur (compréhensible !)d’avoir un sexe insensible ou non fonctionnel est bien présente.

Troisième sexe ?

La plupart des trans’ souhaitent être reconnu(e)s dans leur identité ressentie et désirée), par leur entourage comme par l’administration. Le changement de prénom et de pronom est alors essentiel à leur épanouissement. Mais d’autres aiment jouer de leur ambiguïté, se plaisant à se décrire comme intersexuel(le)s, intersexué(e)s voire hermaphrodites. Ces derniers remettent souvent en question la classification binaire classique, qui veut que l’on soit homme ou femme, sans interconnexion ou nuance possible. De la même manière que les comportements genrés ont été remis en question par le féminisme, les genres eux-mêmes sont ici interrogés et on évoque un possible troisième sexe. Ainsi, Anneric témoigne sur le site syndrome de benjamin : « je ne me définis pas comme transsexuelle, parce que je ne me sens pas femme intégrale ». Il/elle raconte son parcours chaotique qui passe par une phase punk (« ça c’est viril tout plein ! »), puis la rue, et la vie en squat, qui contribuer à la politiser. « le problème des rapports genrés devint un des thèmes centraux de la vie quotidienne ». Entre deux identités, il/elle explique « D’un côté j’étais le sale mec, condamné par mes amies féministes radicales au péché originel, d’être né et d’avoir vécu comme un mâle dominant, de l’autre j’étais condamnée par le reste du monde à n’être qu’une pédale, une pute, un travelo. » Mais après des années de quête identitaire, Anneric se trouve : « Je ne suis ni garçille, ni farçon, je suis un-e phoemme, bien dans sa peau. »

Trans’ en France

Selon les associations, il y aurait en France environ 50 000 personnes transgenres. La procédure pour changer de sexe est extrêmement longue et se déroule généralement de la manière suivante. La personne rencontre une équipe médicale pluridisciplinaire qui établit un diagnostic. Une fois cette première étape franchie, un traitement par hormonosubstitution peut commencer. Il existe un délai de deux ans minimum entre la prise en charge et l’opération si elle a lieu. Durant ce laps de temps, la personne est censée vivre dans « le rôle du sexe désiré dans les activités quotidiennes sociales et professionnelles ». Et pendant cette période, un suivi psychiatrique est obligatoire et le statut juridique complètement flou. Le changement d’état civil ne peut se faire qu’une fois l’opération chirurgicale qui aboutit à une stérilisation (vaginoplastie ou hystérectomie) effectuée. Pour pouvoir prétendre à une opération de réassignation sexuelle, les personnes mariées doivent obligatoirement divorcer. Ces deux pré-requis constituent aux yeux des associations de graves violations des droits fondamentaux des personnes concernées. A cette discrimination systémique s’ajoutent le mépris, les rejets, la difficulté d’accession à l’emploi et au logement, et une exposition à la violence très au-dessus de la normale. Ce qui expliquerait surement pourquoi 36% des répondants à une enquête sur les jeunes trans et transgenres déclarent avoir tenté de se suicider…Même si 98% se sentent mieux une fois le parcours de transition de genre commencé.