Publié le : 26 août 20214 mins de lecture

Puisqu’il n’est jamais trop tard pour découvrir les bonnes choses, surtout quand elles relèvent du domaine de la littérature, il est encore temps pour les retardataires de se plonger dans les pages d’ Out, de Natsuo Kirino, sorti en 2006. Récompensé par le grand prix du roman policier au Japon, ce thriller manufacturé au millimètre près par une plume précise et férocement réaliste nous entraîne dans les méandres de l’âme humaine…

4 femmes 1 homme 1000 possibilités

Masako, Yoshie, Kuniko et Yayoi travaillent la nuit dans une usine de confection alimentaire de Tokyo. De minuit à cinq heures du matin, elles empaquettent des repas à la chaîne, pour un salaire légèrement plus avantageux que les emplois de jour.

On les rencontre par une chaude nuit de juillet, un peu avant l’heure de pointer. Très vite, leurs caractères apparaissent dans une première esquisse trompeuse. Quoi de plus ordinaire qu’un groupe de collègues qui discutent autour d’un thé, de leurs soucis, de leurs maris, de la vie ? Une vie aux horaires décalés mais au ronronnement routinier.

Et puis il y a Sataké, maquereau à Kabukicho, le quartier des bars et des filles, des jeux et des embrouilles. Cet ancien gros bras des Yakuza jongle assez prudemment entre son bordel, le Mika, et son rade de Baccara, l’Amusement Parco, poursuivi par un fantôme de son passé.

Les quatre ménagères presque banales de l’usine et le mystérieux homme d’affaire vont bientôt s’enliser ensemble dans une mare de sang sombre et collante dont aucun ne sortira indemne.

Réalisme mystique de la psyché décortiquée

Au début du roman, Natsuo Kirino met patiemment en place ses protagonistes tout en laissant déjà s’insinuer des failles dans leur quotidien. Ainsi, la rumeur court qu’un obsédé sexuel rôde dans les parages de l’usine, s’en prenant aux ouvrières… Mais ce n’est pas de l’extérieur que le danger va arriver pour les quatre femmes.

Un soir, Yayoi, jeune mère de deux enfants, tue son mari ivre et violent qui a dilapidé leurs économies. Désemparée après son geste, elle appelle Masako qui décide l’aider. Avec l’aide de Kuniko et Yoshie, elle fait disparaitre le corps. Un plan presque parfait. Presque.

Au fil des pages, on se laisse entraîner toujours plus loin derrière les apparences et les convenances, au-delà de toute morale et du point de non-retour. Les masques tombent, et chaque femme révèle des motivations plus ou moins inavouables. Et c’est là que réside le talent de l’auteure, dans la finesse psychologique qui anime ses personnages.

L’avidité, la jalousie, la vengeance et la folie côtoient dans leurs esprits la nostalgie, le manque d’assurance, la dignité et la résignation. On se reconnait à contre cœur dans certaines de ces bassesses. Au détour d’une phrase inadmissible, on se surprend à se demander si on ne l’a pas déjà pensé, au fond. Nul manichéisme dans l’écriture de Kirino bien que le mal et l’enfer y soient omniprésents.

Ce livre glauque et voluptueux saura vous envoûter et vous faire douter, peut-être même de vous…