Publié le : 14 juillet 20206 mins de lecture

Une chose est sûre, la guerre des déclarations, elle, a d’ores et déjà commencé entre Pyongyang et Séoul. Jeudi dernier, un groupe d’experts internationaux a publié un rapport dénonçant l’implication de la Corée du Nord dans le naufrage du Cheonan le 26 mars. La corvette sud-coréenne aurait donc été torpillée sciemment alors qu’elle naviguait au large de l’île de Baengnyeong, non loin de la frontière maritime entre les deux Corées. Une attaque qui avait coûté la vie à 46 des 104 membres d’équipage.

A ma gauche, Pyongyang

Sitôt le rapport paru, le régime de Kim Jong Il s’est empressé de démentir sa responsabilité dans le torpillage du Cheonan, ajoutant que ses homologues du Sud auraient « fabriqué » des preuves. Pour montrer sa « bonne volonté », le gouvernement du « Cher Leader » aurait même proposé d’envoyer sa propre commission d’experts pour évaluer l’épave du navire. Dans ses communiqués, le Nord assimile le Sud à des « bandits militaires, saisis par une fièvre belliciste ». Certains médias lancent par ailleurs l’idée que cette accusation aurait pour but de détourner l’attention des élections locales.

Dernier rebondissement en date, le Nord accuse à son tour le Sud d’avoir pénétré ses eaux territoriales. Selon l’agence officielle, des dizaines de navires sud-coréens auraient ainsi franchi la frontière maritime depuis dix jours, « une provocation délibérée visant à provoquer un autre conflit militaire en mer Jaune et ainsi pousser vers une autre phase de guerre ». Et d’enchaîner sur une nouvelle menace : si ces intrusions ne cessent pas, le Nord « mettra en œuvre des mesures militaires pour défendre ses eaux territoriales et le Sud sera tenu pour responsable des conséquences ». Mais si Kim Jong Il dispose d’une armée d’un million d’hommes et de femmes, leurs armes sont plutôt rudimentaires et désuètes.

A ma droite, Séoul

Du côté de Séoul, après avoir demandé des excuses à Pyongyang, on bloque l’accès des navires du Nord aux eaux territoriales du Sud et on stoppe les échanges commerciaux, pour « faire payer le prix » des vies perdues lors du naufrage et de la violation de la souveraineté territoriale que cela implique. Un pris élevé, puisque des économistes l’évaluent à 200 millions de dollars par an. Certains d’être dans une situation d’auto-défense, les sud-coréens auraient aussi décidé de remettre en place des mégaphones et panneaux électriques à proximité de la frontière terrestre pour y diffuser une propagande encourageant les militaires du Nord à déserter. Une technique qui avait été abandonnée en 2004 par les deux sœurs ennemies, d’un commun accord.

En outre, les Nations Unies ont été saisies pour décider d’éventuelles sanctions internationales. Le président Lee Myung-bak est de toute façon assuré du soutien des Etats-Unis qui va conduire à ses côtés des essais navals pour prévenir une nouvelle offensive maritime du Nord. Ce qui expliquerait aussi le durcissement de ses propos concernant cet indésirable voisin du Nord « Nous avons toujours toléré la brutalité de la Corée du Nord, encore et encore. Nous l’avons fait parce que nous avons un réel désir de paix dans la péninsule coréenne. Mais maintenant les choses sont différentes. »

Au centre, Pékin

Unique allié puissant de Kim Jong Il, la Chine l’a d’ailleurs reçu en grandes pompes au début du mois de mai. Pour le moment, c’est l’un des seuls pays à n’avoir pas officiellement condamné la Corée du Nord. Mais en tant que membre du conseil de sécurité de l’ONU, les pressions s’accroissent sur Pékin, que l’on presse de choisir un camp. Pour le moment, c’est l’un des seuls pays à n’avoir pas officiellement condamné la Corée du Nord. D’abord, il y a la déclaration sans appel de Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU (d’origine sud-coréenne). Celui-ci aurait déclaré « J’espère sincèrement que cela sera pris en charge par le conseil de sécurité, et qu’il prendra les mesures nécessaires à ce sujet. Des actions majeures doivent être décidées. Les preuves sont concluantes. Il n’y a pas de controverse ».

Deuxième pôle de pression sur la Chine : les États-Unis. Justement, Hillary Clinton, la secrétaire d’état (affaires étrangères), était lundi et mardi dans la capitale chinoise avec une délégation de 200 personnes. Les arguments de l’ancienne first lady ont du convaincre, puisqu’après avoir déclaré espérer sincèrement que toutes les parties concernées garderaient leur calme et feraient preuve de retenue, Pékin se dit maintenant prêt à travailler avec Washington sur la crise coréenne. Il faut dire que la stabilité économique de la région est déjà ébranlée alors qu’aucun conflit ouvert n’a éclaté à ce’ jour.

De nombreux analystes politiques ont souligné l’improbabilité d’une guerre militaire entre les deux pays, qui en pâtiraient beaucoup. Pourtant, il semble que le Nord ait plus à perdre, peut-être même son régime politique tout entier.