Les robots, étymologiquement « esclaves » en langues slaves, ont toujours fasciné les humains, qui leur prêtent volontiers des caractéristiques humaines. Si les premiers prototypes ont été développés dans un but purement utilitaire, pour assister l’Homme de la cuisine aux champs de bataille, de nombreux robots sont aujourd’hui imaginés pour lui tenir compagnie, le réconforter. On commence à entrevoir des machines qui comprennent les émotions humaines, et peut-être bientôt, auront leurs propres humeurs…

Ordinateur émotionnel

Cette nouvelle discipline, plus connue sous son nom anglais d’«affective computing», combine psychologie, informatique, neurologie et mécanique. Le but : créer des systèmes et machines capables de reconnaître, interpréter, traiter et simuler les émotions humaines. Il s’agit donc de donner le jour à des robots empathiques et émotifs. Mais pourquoi faire, peut-on se demander ? Avant tout, il serait beaucoup plus agréable et facile d’interagir avec un tel ordinateur ou robot qu’avec les froides mécaniques dont nous disposons actuellement. Ensuite, de nombreuses applications peuvent être tirées d’une technologie émotionnelle. Rosalind Picard, scientifique au Massachussetts Institute of Technology (MIT) en a évoqués des douzaines, dont :
  • des synthétiseurs vocaux qui permettraient aux muets de parler avec une voix animée et vivante, et non ‘robotique’
  • des interviewers artificiels pour s’entraîner aux entretiens d’embauche en analysant notre langage corporel
  • des détecteurs de frustration qui indiqueraient aux industriels la facilité avec laquelle leurs produits peuvent être utilisés
De nombreux laboratoires à travers le monde travaillent à la création de logiciels et de mécanismes en ce sens. Le prestigieux MIT a ainsi présenté NEXI (photo), un robot qui peut converser avec les humains, et de réagir en fonction de leur expression faciale grâce à des senseurs et les logiciels pour les décrypter. De manière similaire, le Japon a présenté Kobian, qui lui n’est qu’une tête parlante, mais tout aussi capable d’exprimer différentes émotions à travers ses lèvres, ses paupières et ses sourcils. Évidemment, un projet qui mobilise autant de matière grise et de billets verts soulève des critiques. Ses détracteurs avancent qu’une machine ne pourra jamais avoir de réelles émotions, et qu’elles ne seront, au mieux, que de bonnes imitations. Tels l’animal-machine décrit par Descartes, les robots n’auraient pas d’âme, et ne pourraient pas ressentir de douleur, de joie, ou de peur. Mais la thèse cartésienne sur les animaux ayant été démontée depuis longtemps, on peut penser que cette nouvelle barrière aussi sera un jour franchie.

Paro et la conscience portable

Qu’est-ce qui est universellement mignon, blanc, dodu et super délicieux pour un ours ? Un bébé phoque, of course ! C’est donc sur le modèle de cet animal super cute que le scientifique Takanori Shibata a conçu son robot animal de compagnie interactif. Dans un article du New York Times, on découvre le fonctionnement de ce petit bout de fourrure appelé Paro. « Il babille et remue quand on le caresse, cligne des yeux quand la luminosité augmente, ouvre les yeux aux bruits forts et glapit quand on le manipule trop rudement ou qu’on le tient la tête en bas. […] Il se redresse quand il entend son nom, des félicitations ou, après un temps, des mots qu’il reconnaît ». Sur le modèle de la pet-therapy (thérapie avec les animaux), mais sans risque d’allergie ni besoin de soins, Paro est surtout utilisé avec les personnes souffrant d’Alzheimer, ou juste de solitude, dans les maisons de retraites et les hôpitaux. Les résultats se sont montrés très encourageants, car même lorsque les patients savent parfaitement que Paro n’est pas un vrai animal, ils s’y attachent et celui-ci leur apporte un grand réconfort. Pourtant certains psychologues redoutent que, par paresse ou facilité, ces compagnons robotiques ne soient substitués automatiquement à une présence humaine (membre de la famille ou ami). Ils craignent un monde où seuls les plus méritants ou les plus fortunés auront droit à une « vraie » présence. Dans cette même lignée, à la fois utilitaire et interactive, l’Institut National sur l’Abus des Drogues aux États-Unis est en train de développer un détecteur d’émotion pour aider les anciens accros. Les volontaires pour tester cette « conscience portable » Fourniront des informations comme les lieux ou les personnes qui déclenchent un manque et feront une sélection de messages pour les dissuader de replonger (encouragements, photos de famille…). Le dispositif se présentera sous la forme d’un bracelet équipé de senseurs, d’un GPS et d’algorithmes lui permettant d’envoyer un message SMS lorsqu’un lieu ou une personne critique est proche, ou quand il analyse un changement émotionnel inhabituel. C’est encore dans le New York Times que l’on trouve cette chronique assez incroyable : la première interview d’un robot interactif, Bina48, par une journaliste, bien humaine, elle. Entre malentendus du au capteur sonore de la machine et incompréhension, des moments d’une humanité surprenante surgissent. Bina rêve, « mais c’est tellement chaotique et étrange que ça me semble être juste du bruit », elle blague aussi. Et quand la journaliste lui demande ce que ça fait d’être un robot, elle répond doucement « Eh bien, Je n’ai jamais été autre chose ». Il reste beaucoup de progrès à faire, bien sur, mais toutes ces avancées rouvrent les portes de notre imaginaire et réveille l’enfant en nous qui a un jour voulu un ami robot…